Le rapport du Giec sur le réchauffement à 1,5°C

Le Journal de L’Environnement s’est procuré la synthèse du rapport sur les conséquences d’un réchauffement de 1,5°C que le Giec destine aux décideurs. Les conséquences de ce phénomène, attendu dans deux décennies, sont très inquiétantes. Les chercheurs soulignent qu’il est encore temps de stabiliser le réchauffement, au prix d’importants changements sociétaux.

Commandé par la COP 21, le rapport spécial du Giec sur les conséquences d’un réchauffement de 1,5°C doit être publié au mois de septembre prochain. Dans une version provisoire du résumé pour les décideurs que le JDLE s’est procurée, les prospectives établies par les climatologues sont très inquiétantes.

INDC INSUFFISANTES

D’une trentaine de pages, le document rappelle des éléments connus. Sans rire, les scientifiques ne cessent de rappeler qu’un réchauffement de 2°C aura de pires effets qu’une montée du thermomètre mondial de 1,5°C Plus sérieusement, le groupe de rédacteurs, coordonné par la Française Valérie Masson-Delmotte, souligne que les politiques climatiques présentées en 2015 (les INDC) ne permettent pas de stabiliser le réchauffement au niveau souhaité par les Etats îliens, les plus vulnérables à la montée du niveau des océans. Voilà pour les données connues.

Les nouveautés font peur. D’ores et déjà, le réchauffement de 1,5°C est expérimenté, à certaines saisons, par de nombreuses populations, notamment dans les régions australes. Au rythme actuel d’émission de gaz à effet de serre, ce réchauffement sera global et irréversible[1] vers 2040. Dans 22 ans !

Les premiers effets sont d’ores et déjà observables: précipitations et températures extrêmes, notamment. Mais ils sont appelés à se multiplier. Dans certaines régions, les températures pourraient être trois fois plus élevées que la moyenne globale. Les tropiques devraient subir davantage de journées caniculaires. En Asie, Amérique du nord et en Europe, les risques d’inondations seront accrus. En revanche, c’est le manque d’eau qui menace les pays du pourtour méditerranéen. «Les risques vont s’accroître entre aujourd’hui et le réchauffement à 1,5°C comme ils s’accroîtront entre 1,5°C et 2°C», résume le Giec.

 

C’est l’océan qui pourrait payer le plus lourd tribu. A commencer par l’Océan Arctique qui devrait être libre de glace en septembre. Plus 1,5°C, c’est l’acidification plus rapide des mers. «L’acidification de l’océan apporte des changements de grande échelle et accroit les risques liés à l’élévation de la température pour les écosystèmes océaniques.»

MENACES SUR LA MER

De quoi inquiéter les professionnels de la mer: pêcheurs, aquaculteurs. Inquiéter aussi les urbanistes qui projettent de laisser pousser les mangroves pour protéger le littoral de la montée du niveau de la mer et de la recrudescence annoncée des tempêtes et des cyclones. Le changement de la salinité de l’eau de mer pourrait bouleverser certains biotopes, comme ceux des estuaires, à la riche biodiversité.

L’inégalité est sans doute l’un des termes qui revient le plus souvent dans ce résumé pour les décideurs. Car, ce sont les pauvres et les plus vulnérables qui forment le plus important des bataillons des victimes du réchauffement. «Les impacts du réchauffement de 1,5°C frapperont et affectent déjà les populations vulnérables, particulièrement les populations indigènes de l’Arctique, les agricultures et les modes de vie liés au littoral et les petits Etats insulaires en développement».

LES PAUVRES SERONT LES PLUS AFFECTÉS

En raison de la montée des prix des denrées de base, de l’insécurité alimentaire, de la faim, de la perte de revenus et de perspectives, des effets sanitaires et des déplacements de population, les pauvres seront particulièrement affectés par le réchauffement. «Plus de 100 millions de personnes pourraient devenir pauvres en raison des effets sur l’agriculture et les prix de l’alimentation», estiment les rédacteurs. Les récoltes seront particulièrement affectées au Moyen-Orient, en Afrique sub-saharienne, en Asie centrale et du Sud-est, ainsi qu’en Amérique du sud. Autant de régions, et bien d’autres, où se développeront des maladies vectorielles: paludisme, dengue, maladie du Nil occidental, et maladie de Lyme.

Exit les vacances d’hiver et d’été. Le tourisme dépendant des plages et de la neige sera particulièrement affecté par le réchauffement, pointent les auteurs du rapport.

 

Peut-on éviter le pire? Oui, répondent les climatologues. Mais ce sera dur. On l’a vu les politiques mises en œuvre depuis 2015 ne permettent pas de stabiliser le réchauffement à 1,5°C. En gros, nous disposons d’un budget carbone global compris entre 390 et 590 milliards de tonnes de CO2: de 11 à 16 ans d’émission, si le rythme actuel de rejet de gaz carbonique n’est pas réduit.

 

Diminuer, c’est possible, nous disent les scientifiques. Il faudra entièrement décarboner le système électrique, réduire drastiquement les consommations d’énergies dans le résidentiel, les transports, l’industrie. Bon nombre d’usages devront être électrifiés, comme les transports. Agriculture et sylviculture devront être mobilisées pour accroître la capacité des sols et des forêts à stocker le carbone. À charge pour le secteur de financer cette formidable transformation, «sans précédent», de l’avis des auteurs. Pour autant, ce programme pourrait se révéler insuffisant.

CHANGEMENTS MAJEURS

Raison pour laquelle les climatologues plaident pour des changements de comportements majeurs. L’économie circulaire, le zéro déchet, la dématérialisation sont clairement des solutions proposées pour réduire l’empreinte carbone de l’industrie et des services. L’adoption d’une alimentation moins carnée, l’amélioration de la performance énergétique des logements, la réduction des besoins en mobilité sont aussi des voies dans laquelle les citoyens doivent s’engager sans tarder.

SÉQUESTRER LE CARBONE

Mais là encore, il faudra faire plus. Car, nos systèmes énergétiques, notre urbanisme, nos infrastructures de transport ne seront modifiées que lentement. Aussi, les climatologues proposent-ils de recourir à des technologies plus ou moins border line. Le captage-stockage géologique de CO2 (CSC) est testé depuis plusieurs décennies. Il donne de bons résultats, à titre expérimental, mais reste cher et n’est utilisable que sur des installations (cimenteries, centrales électriques, raffineries) conçues à cet effet. Les auteurs proposent aussi de développer la valorisation de la biomasse couplée à du CSC : la BECCS. Une solution encore très controversée.

Journal de l’Environnement/Valéry Laramée de Tannenberg/13 février 2018