Le plan dévoilé par le Gouvernement met l’accent sur la sécurité afin de « tendre vers le zéro accident », selon la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Bérangère Couillard.
Il n’y aura finalement pas de journée sans chasse. Le Gouvernement veut avant tout mieux encadrer la pratique, en l’interdisant sous l’emprise de l’alcool et en renforçant les règles de sécurité, selon le plan dévoilé lundi. Pourtant, une demi-journée sans chasse avait été évoquée fin octobre. Déjà instaurée au niveau local, le Gouvernement avait précisé qu’une interdiction le dimanche n’était « pas un sujet tabou ». Cette piste n’a finalement pas été retenue au terme de la concertation publique. Une idée à laquelle étaient favorables 78% des Français (2,5 points de marge d’erreur), selon un sondage Ifop mené mi-décembre auprès de 1.000 personnes pour diverses associations de protection de l’environnement.
« L’objectif auquel je crois profondément est celui de tendre vers le zéro accident. (…) C’est une sécurité renforcée 7 jours par semaine que nous recherchons », a déclaré lundi la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Bérangère Couillard, qui s’est rendue dans le Loiret pour dévoiler son plan. Selon l’Office français de la biodiversité (OFB), le nombre d’accidents de chasse est à la baisse depuis 20 ans. Néanmoins, pour la saison 2021-2022, l’OFB a recensé 90 accidents (blessures corporelles liées à l’utilisation d’une arme de chasse), contre 80 la saison précédente. Parmi eux, huit mortels, dont deux avec des victimes non-chasseurs.
Trois axes présentés
Le plan gouvernemental s’articule en trois axes : renforcer la formation et la sensibilisation des chasseurs, instaurer des règles de sécurité renforcées pendant la chasse et mieux assurer le partage des espaces via une meilleure information des usagers de la nature. Concernant la sécurité, le gouvernement prévoit de créer « début 2023 une contravention pour sanctionner l’acte de chasse sous l’emprise excessive de l’alcool puis favorisera la création d’un délit par voie législative ». Les sanctions en cas d’accident grave devraient également être renforcées, avec notamment la possibilité d’un retrait du permis de chasse pour une certaine durée avec interdiction de le repasser.
Le gouvernement veut généraliser une formation à la manipulation pratique des armes pour l’ensemble des chasseurs. « Un chasseur sur deux devra être formé d’ici 2025 et tous les chasseurs devront l’être d’ici 2029 », est-il indiqué. Les organisateurs de battue (environ 200.000 personnes) auront l’obligation de recevoir une formation spécifique par les fédérations « rappelant notamment les règles de sécurité et les enjeux de communication avec les riverains ». Enfin, pour mieux informer les promeneurs et autres usagers de la nature, une plateforme numérique sera mise en place à l’automne pour identifier les zones et les horaires non chassés. Les organisateurs de chasse collective auront l’obligation de s’y déclarer.
LES REACTIONS
LPO« Le plan sécurité qui prétend en finir avec les conflits opposant chasseurs et non chasseurs accouche de mesurettes (renforcement de contraintes déjà existantes du type formation, etc…) et d’une « solution miracle », une application permettant d’identifier les dangers.C’est un inacceptable mensonge que de prétendre : « Chaque personne pourra identifier une zone non chassée et s’y rendre en étant certain de ne pas croiser un chasseur ». D’abord, parce que l’application n’est pas obligatoire, ensuite parce qu’il existe une multitude de chasses (gibier d’eau, par exemple) qui ne sont pas concernées.Par ailleurs pas un mot sur les moyens supplémentaires qui seront nécessaires pour que l’OFB assure ces nouvelles missions de contrôle.Favoriser les espaces de dialogue est aussi à l’ordre du jour. On parle de rencontres organisées par les chasseurs ; personne n’a sollicité les associations de protection de la nature !Enfin le gouvernement ne s’intéresse toujours pas aux chasses des espèces en mauvais état de conservation, ni aux pratiques d’un autre âge comme le déterrage des blaireaux. L’exécutif est passé à côté d’une formidable opportunité de réforme qui accouche d’un plan à la Raboliot !L’abandon du dimanche sans chasse constitue un mépris inacceptable à l’égard des 80 % des Français qui attendent un cessez le feu. »Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO FranceFNEUne fois encore, en matière de « réforme » annoncée de la chasse « la montagne a accouché d’une souris ». Ce énième « plan de réforme » confirme, s’il en était besoin, qu’en matière de chasse, le vrai ministre de l’écologie est le président de la Fédération nationale des chasseurs.Les annonces faîtes ce jour par la Secrétaire d’État se résument à un gadget technologique et à trois ou quatre propositions de bons sens qui auraient dû être rendues obligatoires il y a plus d’un quart de siècle.Aujourd’hui, 9 janvier 2023, France Nature Environnement Auvergne Rhône-Alpes (FNE AuRA) n’attendait rien et les mesures annoncées ne nous ont pas déçus.La vraie réforme nécessiterait de réduire drastiquement les jours de chasse en les limitant, par exemple, à deux jours par semaine qui ne pourraient pas être le samedi, le dimanche ou le mercredi. FNELes associations
Alors que 4 Français sur 5 sont favorables au dimanche sans chasse, jour où l’on compte le plus grand nombre d’accidents liés à ce loisir, l’État préfère renforcer les intérêts d’une minorité dangereusement armée : l’appli-gadget permettant de signaler les chasses en cours est non seulement anti-démocratique, elle est aussi à l’avantage des chasseurs qui vont être confortés dans leur sentiment d’appropriation de la nature et de la biodiversité.
Contre l’écrasante majorité des Français favorables à l’arrêt de la chasse le dimanche à 78 %*, le lobby de la chasse propose des gadgets dérisoires et refuse toute évolution. Et que fait l’État ? Il écoute le lobby.
En réponse au problème d’insécurité lié à leur loisir, les chasseurs proposent une application aussi inutile que dangereuse. Déjà qu’ils ont du mal à poser correctement des panneaux « chasse en cours » on se demande bien comment une appli, avec tous les aléas que cela implique (possession d’un smartphone, réseau, etc) pourrait montrer son efficacité.
Avec cet outil, les chasseurs se signaleraient aux promeneurs, les incitant à éviter les « bulles de danger » – en réalité des zones bien plus vastes qu’indiquées, au vu de la portée des armes – et à se diriger vers des zones “sécurisées”.
Mais tout sonne faux :
- Il n’y a pas de réseau dans de nombreuses zones naturelles concernées par la chasse ;
- L’application n’a rien d’obligatoire et ne concernera que les battues ;
- Elle suppose que tous les chasseurs et tous les promeneurs aient un smartphone, et qu’ils pensent systématiquement à se connecter à l’appli ;
- Un chasseur isolé peut se trouver hors des « bulles de danger » signalées ;
- Un tel gadget donnerait une fausse impression de sécurité aux promeneurs, et donnerait surtout bonne conscience aux chasseurs, qui se sentiraient libérés de toute contrainte et responsabilité : en cas d’accident, qui serait responsable : victimes ou chasseurs ?
Que se passe-t-il lorsqu’un promeneur, en plein milieu de sa randonnée, reçoit une alerte pour lui signifier qu’une chasse est sur le point de commencer tout autour de lui ?
En réalité, cette application ne ferait que renforcer la mainmise des chasseurs sur la nature et légitimer la présence d’un “loisir” dangereux voire mortifère pour autrui. En résumé, le message c’est « Dégagez, on chasse ! ».
Le dimanche sans chasse a été décrété en Angleterre en 1831, et aujourd’hui de nombreux autres pays d’Europe (Pays-Bas, Suisse, Espagne, Italie, Portugal…) respectent au moins un jour national sans chasse. Mais pas la France, où le puissant lobby des chasseurs impose son diktat depuis des décennies, alors qu’il ne représente même pas 2 % de la population.
Bref, plutôt que de limiter la chasse, le gouvernement préfère limiter la liberté des autres : les Français n’auront pas d’autre choix que de slalomer entre les « bulles de danger », ou de rester chez eux, comme l’a déjà préconisé le chef de la Fédération nationale des chasseurs… Vous avez dit démocratie ?
Les associations signataires :
Animal Cross, ASPAS, Fondation Brigitte Bardot, Humanité & Biodiversité, LPO, One Voice, SFEPM, Stéphane Lamart, Un Jour Un Chasseur, WWF