Suivez sa silhouette gracile, ses pattes noires et son poitrail blanc. Depuis une dizaine d’années, le renard suscite un engouement littéraire outreManche, de Sarah Hall à Daisy Johnson, en passant par Helen Oyeyemi. Bien sûr, l’aspect duveteux de sa fourrure brunroux, l’éclat opalescent de ses yeux et la courbe malicieuse de son minois lui ont garanti de tout temps les meilleurs rôles dans les contes. Toutefois, plusieurs jeunes écrivains britanniques semblent voir dans la recrudescence de cet animal en ville (où il peut trouver de la nourriture sans être
menacé par un prédateur) un moyen de cristalliser la question de la confrontation entre les hommes et les autres espèces. Ainsi, quand le nouveau roman d’Aminatta Forna s’ouvre sur un renard qui se faufile entre les passants sur le Waterloo Bridge, le lecteur est invité à repenser la frontière entre espace sauvage et domestiqué.
Le Paradoxe du bonheur regorge d’évocations de ce style – l’agitation médiatique autour d’une baleine remontant la Tamise ou la menace d’éviction de perruches nichées dans le sycomore d’un cimetière. Cependant, l’écri vaine charge le rusé canidé d’autres fonctions. Tandis qu’il s’introduit dans les jardins délaissés d’Old Kent Road, dans le sud est de Londres, l’animal provoque des rencontres inopinées. Surtout, il met à l’épreuve le besoin si humain de façonner le monde à sa volonté quand les animaux, eux, savent s’adapter. L’homme doit il tout maîtriser pour être heureux ? Telle est la question passionnante que pose ce roman, qui est tout autant un portrait inédit de Londres qu’une réflexion tonique sur ce que vivre en ville aujourd’hui veut dire, et sur la possibilité de s’y épanouir. Comment créer du lien, rencontrer l’amour, respirer, coexister ?
Nouvelle cartographie
Forna dépeint la capitale britannique depuis ses franges marginalisées et le point de vue de deux étrangers, Jean et Attila, la cinquantaine, qui entrent en col lision, un soir d’hiver, sur – on y revient – le pont de Waterloo. Elle est une scientifique américaine, spécialiste de la faune sauvage en milieu urbain…. Suite dans Le Monde des livres 25 janvier
« le paradoxe du bonheur » (Happiness), d’Aminatta Forna,traduit de l’anglais (RoyaumeUni) par Claire Desserrey, Delcourt, 416p., 21,50€.