Les Etats signataires de la convention sur la diversité biologique des Nations unies doivent parvenir, lors de la COP15, qui s’ouvre lundi, à un nouvel accord mondial pour enrayer la destruction du vivant au cours de la prochaine décennie.
L’ouverture officielle de la 15e conférence mondiale sur la biodiversité (COP15), lundi 11 octobre à Kunming, en Chine, semble susciter moins d’intérêt que la COP26 sur le climat, qui démarrera à la fin du mois à Glasgow, en Ecosse. L’enjeu n’en est pourtant pas moins important : les Etats signataires de la convention sur la diversité biologique des Nations unies doivent parvenir à un nouvel accord mondial pour enrayer la destruction du vivant au cours de la prochaine décennie, après l’échec des précédents engagements.
Mais, de fait, la configuration entre ces deux rendez-vous cruciaux est différente : en raison de la crise sanitaire provoquée par le Covid-19, qui a déjà conduit à plusieurs reports de la COP15, celle-ci va finalement se tenir en deux temps. La première séquence, de lundi à vendredi, sera principalement protocolaire et virtuelle, mais verra tout de même Pékin prendre officiellement la présidence de la conférence. Environ 1 500 personnes devraient être présentes à Kunming, parmi lesquelles très peu d’étrangers – principalement des diplomates ou représentants d’organisations en poste en Chine. Les négociations proprement dites, qui doivent déboucher sur l’adoption du nouveau cadre mondial, auront lieu en présentiel lors d’une deuxième phase, prévue au printemps 2022.
« Bien que cette première partie soit largement protocolaire, ce doit être le moment où les responsables mondiaux vont commencer à afficher leurs ambitions en matière d’objectifs, de financements et d’actions pour la prochaine décennie »,espère Morgan Gillepsy, directrice du programme « Alimentation et usage des terres » au World Resources Institute, un centre de réflexion américain spécialisé dans les questions environnementales. « La réunion de cette semaine est le point de départ de la dernière ligne droite, ajoute Georgina Chandler, responsable des politiques internationales à la Société royale pour la protection des oiseaux, au Royaume-Uni. Nous avons encore de nombreux obstacles à franchir, que nous devons surmonter de toute urgence si nous voulons parvenir à un cadre ambitieux dans six mois. »
« La Chine porte très peu de choses »
Après l’ouverture, lundi, un sommet virtuel réunissant des chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que des ministres d’une centaine de pays est prévu mardi et mercredi. Le président chinois, Xi Jinping, pourrait prendre la parole à cette occasion.« Il faudra surveiller s’il annonce des choses nouvelles sur la protection de la biodiversité sur le plan national, sur les enjeux cruciaux de la COP15 ou sur le front climatique avant la COP26 », explique Li Shuo, spécialiste des politiques environnementales chez Greenpeace Chine. « Pékin va mettre quelques cartes sur la table en espérant que cela suscite un élan au niveau mondial mais aussi sur le plan national », estime aussi Dimitri de Boer, le représentant en Chine de Client Earth, une organisation spécialisée en droit de l’environnement qui conseille les autorités.
Jusqu’à présent, Pékin, qui accueille son premier grand sommet environnemental, ne s’est pas positionné comme l’un des fers de lance de la mobilisation internationale en faveur de la biodiversité. Comme d’autres pays, tels le Brésil, l’Inde ou l’Indonésie, la Chine n’a rejoint aucune des grandes coalitions formées pour pousser certains objectifs de protection de la biodiversité. Elle n’a pas non plus signé l’« Engagement des dirigeants pour la nature », une déclaration par laquelle une soixantaine de responsables politiques promettent des actions significatives pour faire face à l’urgence planétaire.
« On a jusqu’ici très peu vu la Chine à l’œuvre sur le plan diplomatique, confirme Gilles Kleitz, directeur du département transition écologique à l’Agence française de développement. Sur la question de la protection de 30 % des terres et des mers, sur la transformation de l’économie, elle porte très peu de choses, voire rien du tout. Et il est probable qu’elle continue à rester le plus neutre possible politiquement. »
« Lignes rouges écologiques »
Pour le Parti communiste chinois, le plus important semble être d’aboutir, au printemps 2022, à l’adoption d’un cadre mondial qui puisse réellement être mis en œuvre. « Les Occidentaux poussent pour un accord ambitieux, mais les Chinois veulent avant tout des engagements réalistes, assure Dimitri de Boer, de Kunming. C’est l’héritage que Pékin veut laisser : cette COP doit être celle où les engagements pris sont réalisés. »Aucun des vingt « objectifs d’Aichi » adoptés au Japon il y a dix ans, déjà dans le but de mettre un terme à l’érosion de la biodiversité, n’a été atteint.
L’ambition de protéger 30 % de la planète d’ici à 2030, qui figure dans la dernière version du projet de cadre mondial publiée en juillet, est désormais soutenue par plus de 70 Etats. La Chine pourrait s’y rallier, mais uniquement pour la partie terrestre. Aujourd’hui, seuls 8 % des mers et des océans sont protégés – contre 17 % des terres –, ce qui rend l’objectif des 30 % plus difficile à atteindre. Les questions sécuritaires et militaires font également de la protection de l’espace maritime un sujet plus sensible.
Sur le plan national, la Chine a développé le concept des « lignes rouges écologiques »,tracées autour des zones dont la fonction est essentielle pour l’environnement. Ces zones, qui couvriraient environ 25 % du territoire, sont déterminées de manière scientifique à partir de trois critères : leur importance en matière de biodiversité, de services écosystémiques rendus (assurer l’approvisionnement en eau potable, la fertilité des sols…) et de réduction des risques (protection contre l’érosion, contre les inondations…).
Mobilisation insuffisante
A l’issue des échanges entre responsables politiques de haut niveau, une « déclaration de Kunming » devrait être adoptée, mercredi. Selon une version provisoire diffusée fin septembre, le texte « prend note des efforts et des engagements de nombreux pays en vue de protéger 30 % de leurs terres et de leurs mers ».
La déclaration devrait aussi rappeler que le dérèglement climatique et la crise de la biodiversité posent une « menace existentielle » et qu’une action « urgente et intégrée » est nécessaire pour mettre en œuvre un « changement transformationnel de tous les secteurs de l’économie et de la société ». D’ici au printemps 2022, de nombreux progrès doivent encore être accomplis, notamment en matière de suivi des objectifs et de financements.
Selon de récentes études, les flux financiers internationaux vers les pays en développement devraient être augmentés d’au moins 10 milliards de dollars par an. Même si neuf fondations philanthropiques ont promis, en septembre, 5 milliards de dollars pour protéger la nature d’ici à 2030, la mobilisation de ressources suffisantes est encore loin d’être acquise. Une prochaine session de négociations, prévue en présentiel en janvier 2022 à Genève, en Suisse, sera déterminante pour avancer sur ces différents sujets.