Après 4 ans de négociations, dix jours et une nuit d’intenses sessions, les représentants des 196 pays membres à la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) réunis à Montréal du 7 au 19 décembre, ont adopté le cadre mondial de la biodiversité post-2020 Kunming-Montréal appelé « Pacte de paix avec la nature« .
Cette 15ème Conférence des Parties, présidée par la Chine, aura rassemblé plus de 17 000 délégués et fortement mobilisé les représentants de la société civile, des peuples autochtones et communautés locales, du secteur privé, des femmes et de la jeunesse. En tant que membres de la délégation internationale de l’UICN, nous étions présents sur place à Montréal du 6 au 15 décembre et avons pu suivre activement l’avancée des négociations et l’adoption de ces engagements forts dont nous nous réjouissons.
Le Comité français salue des engagements forts et ambitieux. La mission 2030 a été validée de la façon suivante : “Prendre des mesures urgentes pour stopper et inverser la perte de biodiversité afin de mettre la nature sur la voie du rétablissement au profit des personnes et de la planète en conservant et en utilisant durablement la biodiversité et en garantissant une utilisation équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques, tout en fournissant les moyens de mise en œuvre nécessaires« .
23 cibles d’action ont été adoptées dont plusieurs étaient portées par la délégation internationale de l’UICN sur place et sont conformes aux recommandations émises par le CF UICN et l’UICN international. Parmi celles-ci :
- La restauration de 30% de la superficie d’écosystèmes terrestres et marins dégradés (cible 2) ;
- 30% d’aires protégées et conservées, terrestres et marines, qui sont efficacement gérées, écologiquement représentatives et équitablement gérés, par le biais des Aires protégées et des AMCEZ, en respectant les droits des peuples autochtones et communautés locales sur leurs territoires (cible 3 ou objectif 30×30) ;
- La réduction de 50% de l’introduction des espèces exotiques envahissantes (cible 6) ;
- La réduction de toutes les pollutions dont au moins de moitié pour les engrais (« nutriments en excès »), les pesticides et les substances chimiques dangereuses, et viser l’élimination de la pollution plastique (cible 7) ;
- L’inclusion des Solutions fondées sur la nature dans les cibles 8 (comme moyen de minimiser les impacts du changement climatique et de l’acidification des océans sur la biodiversité) et 11 (comme appui au maintien des contributions de la nature aux populations) ;
- L’augmentation de façon substantielle des pratiques agricoles favorables à la biodiversité comme l’agroécologie (cible 10) ;
- La réduction de l’empreinte écologique de la consommation mondiale en réduisant de moitié le gaspillage alimentaire (cible 16) ;
- La mobilisation des collectivités locales et des entreprises pour aligner leurs activités et leurs financements en conformité avec les objectifs du cadre mondial.
Outre le cadre mondial, les délégués également ont adopté 5 propositions de décisions permettant sa mise en oeuvre à savoir :
- les mécanismes de planification, suivi, rapportage et révision ;
- les indicateurs du cadre de suivi ;
- l’information sur le séquençage génétique des ressources génétiques ;
- la mobilisation des ressources ;
- le renforcement des capacités, le développement, la coopération scientifique et technique.
Sur les financements, dont la question a occupé les débats jusqu’à la session plénière d’adoption et a vu de nombreuses oppositions de plusieurs pays africains, les engagements finaux sont conformes aux attentes de l’UICN. Les Parties devront identifier d’ici 2025 puis éliminer ou réformer les incitations financières néfastes à la biodiversité d’au moins 500 milliards de dollars par an d’ici 2030 (cible 18) et augmenter les financements publics et privés à 200 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour la mise en œuvre des stratégies nationales de la biodiversité, dont au moins 20 milliards réservés aux pays du Sud d’ici 2025 et 30 milliards d’ici 2030 (cible 19).
Le Fonds pour l’environnement mondial devra en outre établir en 2023 et jusqu’à 2030 un fonds d’affectation spécial pour soutenir la mise en œuvre du cadre.
Certains objectifs restent cependant moins ambitieux qu’escomptés en particulier les engagements insuffisants sur la protection des espèces. Selon l’objectif A et la cible 4, les Etats devront stopper les extinctions d’espèces menacées connues et agir en urgence pour leur conservation et rétablissement (le texte prévoit la réduction par dix du rythme et du risque d’extinction de toutes les espèces à 2050) alors que l’UICN demandait un objectif de 0 extinction pour toutes les espèces en 2050 au vu de l’urgence de la situation.
Concernant le secteur privé, l’UICN demandait que les entreprises, quelle que soient leur taille doivent rapporter de façon transparente sur leurs impacts et leurs dépendances afin de réduire leurs impacts négatifs. Si la cible 15 “encourage et permet” aux entreprises le rapportage et la réduction des impacts, le caractère obligatoire et chiffré de l’objectif (de moitié au moins) font défaut.
Soulignons également l’absence d’objectifs chiffrés sur l’augmentation de la surface des espaces naturels d’ici à 2050 et sur la réduction de l’empreinte écologique.
La communauté internationale envoie un message fort à deux mois des prochaines du cinquième Congrès international des aires marines protégées (IMPAC5) et des négociations onusiennes BBNJ sur la haute mer, et le Comité français de l’UICN se félicite de ces engagements ambitieux et demande un passage à l’action immédiat, notamment en France à travers le renouvellement de la troisième Stratégie Nationale pour la Biodiversité.
UICN France / Sébastien Moncorps