La LPO a appris avec consternation que la France venait de s’opposer à la proposition de la Commission Européenne d’un moratoire visant à suspendre la chasse à la tourterelle des bois, espèce vulnérable au niveau mondial (liste rouge UICN). Cette information accablante confirme malheureusement le peu de cas fait aux enjeux de biodiversité dès lors qu’il s’agit de satisfaire aux lobbies cynégétiques.
Plus globalement, un an après l’élection du Président Emmanuel Macron, le bilan favorable à la nature et la biodiversité est quasi nul :
- toutes les dynamiques et stratégies passées en faveur des espèces et des espaces naturels sont en panne faute de moyens financiers et humains ; seul le projet de réintroduction de deux ourses dans les Pyrénées Béarnaises constitue une avancée, tandis qu’on a jamais autant tué de loups en France ;
- malgré des déclarations d’intentions récentes, le gouvernement témoigne d’une préoccupation quasi exclusive envers la transition énergétique en oubliant les enjeux écologiques ;
- dans le même temps, jamais autant de concessions ont été faites aux intérêts cynégétiques les plus rétrogrades.
Certes un établissement public dédié, l’Agence française pour la biodiversité, a été créé. Mais l’AFB n’est pas une finalité, elle est un moyen. Jamais la biodiversité n’a été aussi malmenée tandis que le changement de paradigme tant attendu n’a pas eu lieu. Au contraire, la biodiversité continue de s’estomper sous les coups de boutoirs de certains lobbies.
Suite à un recours de la LPO devant le Conseil d’Etat, le Premier Ministre vient d’être mis en demeure de dresser la liste des habitats naturels devant faire l’objet de mesures de protection dans un délai de six mois sous astreinte de 500 euros par jour de retard (*)
La semaine dernière, un comble, la France s’est opposée à la proposition de la Commission européenne de moratoire de la chasse à la tourterelle des bois, espèce en danger au niveau mondial (liste rouge UICN). La tourterelle des bois a disparu de nombreux pays comme le Royaume Uni et ses populations ont chuté de 80 % en 30 ans. 100.000 d’entre elles sont pourtant tuées chaque année dans l’hexagone !
Dans un sondage Ifop pour la LPO en date de mars 2018, 85% des français pensent que l’Etat et les élus n’ont pas pris conscience de la gravité de la situation en matière de biodiversité et ne font pas ce qu’il faudrait. Ils ont raison ! Car il aura fallu moins d’un an au Président de la République pour renier les engagements de campagne en faveur de la biodiversité faites par… le candidat Emmanuel Macron lui-même.
En réponse à la confirmation de l’effondrement des populations d’oiseaux de 30% en 15 ans (études CNRS et MNHN), alors que 80% des insectes ont déjà disparu en Europe y compris dans les espaces naturels, et alors que les chercheurs de l’IPBES (Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques) ont confirmé le déclin dramatique du vivant (on parle de sixième extinction), le Président de la République annonce pêle-mêle :
- La prolongation de la chasse des oies en février alors que toutes les études ont conclu à un début de migration fin janvier, que le Conseil d’Etat a donné raison 11 fois aux associations, et que la France s’est officiellement engagée auprès de la Commission européenne à respecter les dates de clôture de la chasse au 31 janvier pour éviter les poursuites ;
- La restauration des chasses dites présidentielles, alors que dans un sondage Ifop pour la LPO en date de mars 2018, 80% des français se disent opposés à la restauration des chasses présidentielles ;
- La réduction du prix du permis de 400 à 200 € pour les chasseurs les plus fortunés puisque détenteurs d’un permis inter-départemental ;
- Le projet d’ouverture de la chasse d’espèces aujourd’hui protégées comme le Cygne tuberculé (Cf. les déclarations du Président de la FNC) sous prétexte que leurs populations sont en bon état de conservation.
Toutes ces mesures ont été prises sans aucune concertation avec les associations de protection de la nature.
Certes la chasse n’est pas la première et seule responsable de la disparition de notre patrimoine naturel. Mais elle peut y contribuer. Il revient à chaque État membre d’identifier les espèces chassables sur son territoire, d’après une liste pré établie de 80 taxons classés en Annexe II de la Directive européenne. La France en chasse 64, soit plus de 80%, ainsi que des sous-espèces classées en Annexe I. Le deuxième pays ayant inscrit le plus d’espèces chassables, le Danemark, arrive loin derrière avec 32 espèces chassables, soit 40%. Même en comptant notre pays, la moyenne de l’ensemble des pays de l’Union Européenne est de 14 espèces chassables, soit 5 fois moins qu’en France ! Ainsi, en 2015, sur la base des connaissances scientifiques, force est de constater que 20 espèces menacées ou quasi menacées dans l’UE sont encore et contre toute attente chassées en France malgré leur mauvais état de conservation. Et la liste s’allonge, avec, par exemple, les galliformes de montagne…
Parmi les espèces en danger, la Tourterelle des bois et le Fuligule milouin sont vulnérables au niveau mondial. Suivent 18 espèces menacées au niveau de l’Union Européenne comme la Barge à queue noire, la Sarcelle d’été, le Combattant varié, le Courlis cendré, le Fuligule milouinan, la Grive mauvis, l’Huitrier pie, le Lagopède alpin, la Perdrix bartavelle ou le Vanneau huppé. Et encore, n’apparaissent pas dans ces listes les espèces dont le mauvais état de conservation est reconnu en France tels la Bécassine des marais (en danger), la Gélinotte des bois et le Grand Tétras (vulnérables) ou encore la Sarcelle d’hiver également vulnérable. Des espèces qui s’effondrent, comme l’Alouette des champs, ne font pas encore partie de cette liste noire. Et la France continue d’autoriser leur piégeage sous prétexte de « tradition ».
Pourtant, pendant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait promis de mettre en œuvre, dans le seul domaine de la chasse, différentes mesures :
- Étendre l’interdiction des munitions qui contiennent du plomb à l’ensemble du territoire et pas seulement dans les zones humides (actuellement, 8 000 tonnes de plomb inondent chaque année le territoire)
- Demander au Ministre en charge de l’environnement d’étudier la signature d’un arrêté modifiant la liste des espèces gibiers en y retirant toutes les espèces en mauvais état de conservation (voir ci-dessus). Le sondage Ifop pour la LPO fait apparaître que 88% des français souhaitent l’arrêt de la chasse des espèces en mauvais état de conservation.
- Renforcer les contrôles des modes de chasse non sélectifs généralement interdits par la Directive oiseaux. 65% des français interrogés veulent l’arrêt du piégeage notamment à la glu.
- Demander aux Préfets concernés par la chasse de nuit pour le gibier d’eau d’organiser des bilans contradictoires sur l’impact de cette pratique de chasse sur les espèces, et après concertation, associant toutes les parties prenantes, d’examiner, sur la base d’éléments objectifs, si ce type de chasse peut être maintenu.
- Demander à l’ONCFS, en coordination avec les responsables de zones Natura 2000 et les associations naturalistes et de protection de la nature, d’effectuer une expertise sur les incidences de la chasse dans les espaces naturels protégés au titre de Natura 2000.
Et bien d’autres mesures en faveur de la biodiversité notamment concernant le changement de modèle agricole qui se font toujours attendre.
La France a une responsabilité internationale vis-à-vis des enjeux dans le domaine de la biodiversité. Parce qu’elle a des territoires outre-mer qui abritent les zones les plus riches du monde et par son influence potentielle au niveau européen.
L’annonce d’un nouveau plan général en faveur de la biodiversité n’est pas une réponse suffisante à la crise dramatique qui touche le patrimoine naturel. La LPO attend une déclaration précise avec notamment :
- un engagement ambitieux (au même titre que le climat) de la part de l’Etat,
- des moyens financiers permettant une véritable transition,
- le respect élémentaire du droit et des connaissances scientifiques dans l’action à conduire,
Le courage et la détermination doivent désormais guider la France dans sa volonté d’offrir une résilience à la biodiversité. Dès l’année dernière, la LPO et d’autres associations naturalistes proposaient 130 mesures capables d’inverser la tendance. Elles poursuivront leur combat car, comme le disait Victor Hugo: « n’être pas écouté n’est pas une raison pour se taire ».
photo tourterelle : jean-Baptiste Dumond2018
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Yves Vérilhac yves.verilhac@lpo.fr 06.76.65.61.10
(*) La loi Grenelle 2 de 2010 prévoyait qu’un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles devait être fixée la liste des habitats naturels faisant l’objet de mesures de protection. Ces espaces sont ceux dont la conservation est justifiée par un intérêt scientifique particulier ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel.
Pièces jointes :
- Sondage Ifop pour la LPO : les Français et l’arrêt ou le maintien de la chasse
- Sondage Ifop pour la LPO : les Français et l’interdiction de piégeage
- Sondage Ifop pour la LPO : les Français et la réouverture de la chasse
- Sondage Ifop pour la LPO : réaction des élus face aux menaces pesant sur la faune et la flore
- Engagements de campagne du candidat Emmanuel Macron