Une étude inédite publiée hier (8 février) chiffre enfin la quantité astronomique de poissons capturés dans la nature chaque année et la part absurde de ces poissons destinés à nourrir des animaux d’élevage plutôt que des êtres humains.
Publiée dans la revue Animal Welfare, l’étude intitulée en anglais Estimating global numbers of fish caught from the wild annually from 2000 to 2019 (« Estimation du nombre mondial de poissons capturés dans la nature chaque année de 2000 à 2019 ») est la première étude réalisée par des pairs à estimer l’ampleur de la pêche sauvage ainsi que l’impact considérable des pratiques de pêche « modernes » sur le bien-être des animaux.
Elle souligne que, bien que la sensibilité des poissons soit largement reconnue, les poissons capturés à l’état sauvage sont généralement tués sans étourdissement. Ils souffrent longtemps, pendant leur capture mais aussi après leur capture.
Co-rédigée par notre directeur de recherche, Phil Brooke, et l’auteur principal, Alison Mood de Fishcount, l’étude révèle que :
PRINCIPALES CONCLUSIONS
- entre 1,1 et 2,2 trillions de poissons sauvages sont capturés chaque année dans le monde
- les poissons sauvages représentent 87 % de tous les animaux vertébrés utilisés pour l’alimentation humaine ou animale en 2019 (d’après les statistiques de la FAO)
- la moitié de tous les poissons capturés – entre 490 et 1 100 milliards d’individus, principalement de petite taille – sont réduits en farine et en huile de poisson, pour nourrir principalement les animaux d’élevage, et non les êtres humains
- les petits poissons sont essentiels pour la base et donc l’ensemble de la chaîne alimentaire marine. Fixer des limites de capture pour protéger l’écosystème dans son ensemble permettrait de réduire les captures de petits poissons et diminuer les captures totales de 150 à 330 milliards de poissons.
L’étude met en évidence des données étonnantes concernant cette industrie: 70 % des farines de poisson et 73 % des huiles de poisson sont utilisées en aquaculture pour nourrir les poissons et les crustacés d’élevage. Elle recommande le développement de meilleures pratiques de capture et d’abattage, ainsi que l’adoption de politiques visant à réduire le nombre de poissons capturés, pour un meilleur respect du bien-être de ces animaux et pour leur conservation !
Notre directeur de recherche, Phil, déclare : Notre dernière étude « Fishcount » met en lumière le nombre stupéfiant de poissons sauvages capturés chaque année, avec des questions qui plus est éthiques concernant les pratiques de pêche et d’élevage.
Tout d’abord, les pratiques exercées pendant la capture des poissons et après leur capture, sont particulièrement médiocres en termes de respect de la notion la plus élémentaires de bien-être animal. Chaque poisson, qu’il soit grand ou petit, ressent la douleur, tout comme les autres animaux. Les pratiques de capture sont inacceptables et l’abattage est sans étourdissement. Il est urgent de remédier à cette situation.
D’autre part, le nombre ahurissant de petits poissons capturés pour nourrir des animaux d’élevage, principalement des poissons d’élevage, est un argument massue en faveur de l’urgence de la réduction des captures : il serait moins stérile, plus pertinent, plus efficace et plus bénéfique non seulement pour les animaux mais aussi pour les êtres humains et la planète, de laisser davantage de poissons dans la mer et de nourrir les êtres humains avec la plupart de ceux encore capturés.
UN SYSTÈME ABSURDE, INEFFICACE ET CRUEL
L’étude démontre également l’inefficacité de l’utilisation de poissons sauvages pour nourrir les animaux d’élevage. Une grande partie des élevages piscicoles modernes « produisent » des poissons carnivores – comme le saumon, la truite ou le thon – qui doivent être nourris avec des poissons sauvages.
L’étude évalue à 440 le nombre de poissons sauvages qu’il faut pour élever un seul saumon d’élevage. Elle chiffre également à environ 90 % la part des poissons sauvages utilisés pour l’alimentation animale qui pourraient pourtant nourrir directement les êtres humains. Ce système a donc nécessairement des répercussions en termes de risque sécurité alimentaire sur des communautés humaines souvent déjà vulnérables.
L’abandon de la production intensive de poissons au profit d’élevages d’espèces situées plus bas dans la chaîne alimentaire permettra de réduire la souffrance des animaux, de réduire la pollution, de préserver la biodiversité, de diminuer l’utilisation d’antibiotiques, de réduire des risques de sécurité alimentaire, bref de créer une industrie plus durable.
Il y a un an, nous avons publié un rapport intitulé « Repenser l’aquaculture de l’UE : pour les animaux, les êtres humains et la planète« , qui plaide en faveur d’une évolution vers des pratiques aquacoles plus durables.
Source : CIWF