…entraînant une érosion généralisée des fonctions écologiques et un risque d’extinction exceptionnellement élevé.
Vancouver, Canada, 5 décembre 2024 : Une nouvelle analyse publiée aujourd’hui dans la revue Science révèle que la surpêche a causé une réduction de 50% des populations de poissons chondrichthyens – requins, raies et chimères – depuis 1970. Afin de déterminer les conséquences, une équipe de chercheurs a développé un Indice de la Liste Rouge (Red List Index, RLI) aquatique qui montre que le risque d’extinction des chondrichthyens a augmenté de 19%. L’étude souligne aussi que la surpêche des plus grandes espèces dans les habitats côtiers et pélagiques pourrait éliminer jusqu’à 22 % des fonctions écologiques.
Les chondrichthyens sont un groupe ancien et écologiquement diversifié de plus de 1 199 poissons qui sont de plus en plus menacés par les activités humaines. La surexploitation par les pêcheries ciblées et la capture accidentelle (prises accessoires), aggravée par la dégradation des habitats, le changement climatique et la pollution, ont conduit à ce qu’un tiers des chondrichthyens soient menacés d’extinction. Ici, le RLI a été utilisé pour suivre les statuts de risque de ces espèces au cours des 50 dernières années. « Le RLI des requins et des raies montre comment les déclins ont d’abord eu lieu dans les rivières, les estuaires et les eaux côtières proches du littoral avant de se propager à travers les océans puis dans les profondeurs marines », a déclaré le professeur Nicholas K. Dulvy de l’Université Simon Fraser, au Canada. « L’épuisement séquentiel des espèces les plus grandes et fonctionnellement importantes – comme les poissons-scies et certaines raies Rhino – fut suivi par le déclin des grandes raies pastenagues, raies aigles, Anges de mer, des requins marteaux et des requins requiem. Finalement, les pêcheries se sont tournées vers les requins et Rajidés des profondeurs pour le commerce de l’huile de foie et de la viande ».
Ces déclins largement documentés devraient impacter fortement d’autres espèces et les écosystèmes aquatiques. « Les requins et les raies sont des prédateurs importants, et leur déclin perturbe les chaînes alimentaires à travers l’Océan. Les grandes espèces à large répartition relient les écosystèmes entre eux, par exemple, les requins de récif jouent un rôle essentiel dans le transfert de nutriments d’eaux plus profondes vers les récifs coralliens, contribuant ainsi à préserver ces écosystèmes », a déclaré le Dr Nathan Pacoureau de l’Institut Universitaire Européen de la Mer, à Brest, en France. « Nous apprenons que les raies jouent un rôle écologique vital, leur recherche de nourriture mélange et oxygène les sédiments, ce qui influence la productivité océanique et le stockage du carbone ».
Malgré ces tendances alarmantes, l’équipe souligne les développements positifs dans la compréhension et la conservation des requins et des raies. « Cette analyse met en lumière des solutions », a déclaré le professeur Colin Simpfendorfer, de l’Université James Cook, en Australie. « Les nations peuvent réduire le risque d’extinction en diminuant la pression de pêche à des niveaux durables, en renforçant la gouvernance des pêcheries et en éliminant les subventions néfastes. Des progrès ont déjà permis de créer des zones d’espoirs pour les chondrichthyens, notamment en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis, ainsi que dans certaines régions d’Europe et d’Afrique du Sud ».
« L’Indice de la Liste Rouge (RLI) a été un outil utilisé par les gouvernements pour suivre les progrès de la conservation en milieu terrestre, pourtant aucun équivalent n’existe pour l’Océan », a déclaré la Dr Rima Jabado, vice-présidente de la Commission pour la sauvegarde des espèces de l’UICN (SSC) et présidente du Groupe de spécialistes des requins de la CSE de l’UICN. « Ce nouvel Indice pour les requins et les raies permettra de suivre les progrès vers les objectifs de biodiversité et de durabilité des océans, d’identifier quelles espèces et quels endroits sont les plus à risque, et de guider les futurs efforts de conservation ».*Cette image est fournie exclusivement pour une utilisation pour cette publication. Une attribution appropriée et un avis de droits d’auteur doivent être inclus.
Notes à l’attention des Éditeurs :
L’étude a été réalisée dans le cadre du projet Global Shark Trends (GSTP), une collaboration entre le Groupe de spécialistes des requins de la Commission pour la sauvegarde des espèces de l’UICN (SSC), l’Université Simon Fraser, l’Université James Cook et l’Aquarium de Géorgie, créée avec le soutien du Shark Conservation Fund pour évaluer le risque d’extinction des poissons chondrichtyens (requins, raies et chimères). L’analyse est basée sur la première réévaluation globale de la Liste Rouge de l’UICN publiée en 2021. L’équipe a impliqué 322 experts au cours de 17 groupes de travail dans le monde entier pour compléter ces 8 ans de réévaluation globale.
L’Indice de la Liste Rouge (Red List Index, RLI) montre les tendances générales du risque d’extinction pour les espèces, et est utilisé par les gouvernements pour suivre leurs progrès vers les objectifs de réduction de la perte de biodiversité. À ce jour, le RLI est disponible seulement pour cinq groupes taxonomiques (ceux pour lesquels toutes les espèces ont été évaluées au moins deux fois) : les oiseaux, les mammifères, les amphibiens, les cycas et les coraux formant des récifs en eaux chaudes. Le RLI peut être décomposé de différentes manières : des RLI thématiques montrent les tendances pour des sous-ensembles d’espèces ayant une pertinence particulière en matière de politique. Le RLI peut également être calculé pour des pays et des régions spécifiques, chaque espèce contribuant à l’indice en fonction de la proportion de son aire de répartition mondiale située dans le pays ou la région.
La Classe des Chondrichthyens comprend trois lignées principales : les requins, les raies et les chimères (un groupe relativement petit composé principalement d’espèces profondes). Les chondrichtyens représentent la radiation évolutive la plus ancienne et la plus vaste des vertébrés et l’une des trois Classes taxonomiques de poissons. Ici, nous considérons les 1 199 espèces de la réévaluation mondiale globale, qui constitue l’évaluation la plus précise de la décennie.
Depuis les années 1990, la conservation des requins et des raies a été de plus en plus prise en compte au sein des organisations régionales des pêches (y compris les Organisations Régionales de Gestion des Pêches) et des traités internationaux sur la faune sauvage, en particulier la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES). Grâce à diverses actions associées visant principalement à mettre fin à la surexploitation des espèces menacées, les gouvernements membres sont tenus de limiter la pêche et/ou les exportations à des niveaux durables, mais les résultats concernant la réalisation de ces engagements ont, jusqu’à présent, été généralement médiocres. À ce jour, les requins et les raies des profondeurs ont largement été ignorés dans ces efforts.
Publication complète : L’article peut être consulté via ce lien https://bit.ly/
Photo : © Greg Amptman*