Le tourisme épuise le monde, on le sait. Sa critique radicale reste compliquée, tant il imprègne nos imaginaires depuis 1936. Aujourd’hui, certains s’en détournent et réinterrogent la notion de temps libre. [SÉRIE1/4]
L’été, les congés payés, le départ en avion ou en voiture, les journées qui s’étirent les doigts de pied enfouis dans le sable chaud d’une plage indonésienne ou aquitaine ou engoncés dans des chaussures de randonnée pour un trek dans les grands parcs américains… Vision de rêve ou fantasme éculé et désormais repoussoir ? Depuis plusieurs années, des voix s’élèvent de plus en plus nombreuses contre les dégâts environnementaux et sociaux du tourisme de masse. Reste à savoir si l’image d’Épinal du départ en vacances, pour une destination lointaine de préférence, peut évoluer.
« En France, l’imaginaire du tourisme est associé à celui de l’émancipation des classes ouvrières en lien avec les luttes du Front populaire », explique à ReporterreRodolphe Christin, sociologue et auteur de plusieurs ouvrages consacrés au sujet parmi lesquels Manuel de l’antitourisme (éd. Écosociété, 2017) et La vraie vie est ici (éd. Écosociété, 2020). Le tourisme désignait au XVIIIe siècle le périple réalisé en Europe par les jeunes aristocrates britanniques. La bourgeoisie issue de la révolution industrielle s’est ensuite approprié cette pratique au XIXe siècle. C’est en 1936 que les congés payés ont été généralisés à tous les salariés : deux semaines par an d’abord, puis trois, quatre et enfin cinq à partir de 1982.
Mais avoir du temps libre ne suffit pas pour déclencher des envies de départ. Cette aspiration a été favorisée par plusieurs facteurs, dont l’effet d’imitation des classes sociales supérieures mis en évidence par l’économiste et sociologue américain Thorstein Veblen… Suite sur Reporterre