Vendée Globe : zones de protection et technologie pour préserver les cétacés

Des zones de protection et l’utilisation de nouvelles technologies se développent afin de protéger les cétacés lors de la course au large.

Longtemps passées sous silence dans le monde de la course au large, les collisions entre voiliers et cétacés, Ofni – objets flottants non identifiés – bien particuliers, motivent aujourd’hui l’élaboration de nouvelles stratégies pour réduire les risques et protéger la faune marine. Souvent létales pour les cétacés et « crève-cœur » pour les skippers, les collisions font depuis longtemps l’objet d’une omerta, explique le marin Fabrice Amedeo (Nexans-Wewise), qui prendra le 10 novembre le départ du Vendée Globe. « Il faut se positionner au contraire comme des lanceurs d’alerte. Si une course au large compte chaque fois quelques impacts avec des cétacés, quid de la flotte mondiale qui traverse chaque jour la surface de l’océan ?« , interroge-t-il.

C’est en pleine Transat Jaques-Vabre, alors qu’ils filaient en Class40 entre le Cap Vert et les Antilles, au milieu de la nuit, que Ian Lipinski et Julien Pulvé ont heurté un cétacé. « Une baleine ou bien un cachalot« , devine Ian Lipinski (Crédit Mutuel), « sorti secoué » de l’accident. « On peut se poser la question, le dire, ou parler plus largement d’un Ofni. Derrière, il y a forcément des commentaires négatifs, des étiquettes de ‘tueurs de baleine’. J’ai fait le choix de dire ce qu’il se passait« , raconte le marin.

Lors de l’édition 2016 du Vendée Globe, après une collision avec un cachalot, Kito de Pavant avait été secouru dans le sud de l’Océan indien et contraint d’abandonner son voilier, prêt à sombrer. D’après une source proche de la compétition qui n’a pas souhaité être citée, six voiliers ont heurté des cétacés lors de l’édition 2020. Deux d’entre eux se sont arrêtés.

Zones de protection

Pour la première fois dans l’histoire de la course, plusieurs zones de protection des cétacés doivent être définies sur les 24.300 milles (45.000 km) du parcours. Leurs contours seront communiqués aux skippers début novembre, a fait savoir l’organisation à l’AFP. Cette stratégie prend de l’essor dans le monde de la course au large.

En juin dernier, pour protéger les baleines noires, la Transat Québec-Saint-Malo avait défini des zones d’exclusion entre les côtes canadiennes et l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Quelques mois plus tôt, l’Arkea Ultim Challenge avait aussi exclu plusieurs espaces de reproduction, migration ou d’alimentation des cétacés, dans les Açores, les Canaries, près du Cap Vert, du Cap de Bonne Espérance, des îles Kerguelen et du Cap Horn.

« C’est une bonne nouvelle : ces zones permettent de protéger la faune des mers. Sur tout un parcours, ça ne complexifie pas la stratégie de course« , affirme Armel Le Cléac’h (Banque Populaire), classé troisième de l’Arkéa Ultim Challenge.

« Stratégie globale »

Côté technologies, plusieurs axes sont aussi explorés. Sur la ligne de départ du Vendée Globe, 26 bateaux seront équipés au sommet de leur mât des caméras optiques et thermiques du système Sea.Ai, qui identifie grâce à l’intelligence artificielle les objets flottant à la surface de l’eau. Les cétacés repassent toutefois sous l’œil des caméras dès lors qu’ils sont immergés. A l’initiative de la classe Imoca – monocoques du Vendée Globe -, un programme baptisé « Exos 2024 » a été lancé l’an dernier pour élargir le prisme de détection de cette technologie en y alliant les informations d’autres capteurs, comme celles du radar ou de l’AIS.

Co-fondatrice du Marine mammal advisory group (MMAG), la classe Imoca défend une « stratégie globale » face aux collisions avec les cétacés, alliant « technologie, étude des parcours, collecte de données et sensibilisation« . Expérimenté depuis 2023, son « hazard reporting system » doit permettre aux marins de signaler en temps réel une rencontre ou collision avec un cétacé.

« En mer, la course au large représente une minorité de navires. Notre objectif est que les technologies développées dans ce cadre bénéficient à l’ensemble du transport maritime, pour décupler leur impact« , explique Claire Vayer, co-responsable du développement durable pour la classe Imoca. Prêt à entamer son tour du monde,

appelle à profiter de la « chance » que représente la course au large pour la connaissance des écosystèmes marins. La course représente pour lui un « double désir » : « Boucler le parcours et être utile à la science. »

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