Emmanuel Macron entend prolonger la chasse aux oies migratrices jusqu’au printemps. Un projet électoraliste qui va à l’encontre des ambitions affichées du Président.
Tribune. Le 10 octobre a pris fin l’appel à candidature pour intégrer un tout nouveau conseil scientifique de la chasse. Au même moment, démarrait au Sénat, et en urgence, l’examen d’un projet de loi visant à lutter contre la surtransposition des directives européennes. Deux actualités semble-t-il sans rapport. Et pourtant…
Tandis que le président Macron se faisait sacrer grand défenseur de la planète à New York, ses principaux collaborateurs étaient en marche en France pour lui permettre de tenir sa promesse faite aux chasseurs de pouvoir enfin tirer les oiseaux migrateurs en février, après la fermeture officielle.
On le sait, les oies cendrées migrent au-dessus de nos têtes dès la fin janvier de chaque année, en route pour les pays scandinaves. La migration est même de plus en plus précoce, à cause du réchauffement climatique. Or, une directive oiseaux de 1979 interdit légitimement de chasser les oiseaux migrateurs de retour sur leurs lieux de nidification. Depuis cette date, les gouvernements français successifs n’ont jamais cessé de contourner cette «contrainte», par tous les moyens possibles. Tantôt on expliquait qu’il fallait continuer de tuer les oies après la date de fermeture à des fins scientifiques, tantôt on donnait des ordres à la police de la nature de rester à la maison durant les dix premiers jours de février. Depuis 2001, à la demande de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), le Conseil d’Etat a annulé successivement dix autorisations de prolongation de la chasse. Ce qui n’empêche pas l’Etat français de recommencer l’année suivante !
Entre 6 817 et 14 411 oies cendrées sont tuées en France, jusqu’au 31 janvier de chaque année – données de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) pour la saison 2013-2014. L’incertitude de 1 à presque 3 est due au fait que les chasseurs français ne communiquent pas les tableaux de chasse, contrairement à la plupart des pays du nord de l’Europe. Dans un communiqué de presse du 27 août, la Fédération nationale des chasseurs (FNC) se réjouissait : «Le président de la République a confirmé ses engagements du début de l’année concernant la régulation des oies cendrées en février 2019 avec un quota de 5 000 oies. Le gouvernement finalise en ce moment les négociations diplomatiques sur ce point.»
Emmanuel Macron compte bien tenir sa promesse, car trois mois après se dérouleront les élections européennes. C’est qu’ils sont nombreux les élus de droite, comme de gauche, à lorgner l’électorat rural, jugé abandonné dans les bras des extrêmes, donc potentiellement disponible.
Le plan concocté par le secrétaire d’Etat, Sébastien Lecornu, chargé d’une mission pour «réformer la chasse», ne manque pas d’habileté, et on comprend mieux les états d’âme de Nicolas Hulot. Le fusil en question a trois coups.
Premier coup, il s’agit de créer un nouveau conseil scientifique en urgence chargé d’examiner l’état de conservation des espèces chassables dans une logique de gestion adaptative. Alors qu’il existait déjà une structure scientifique, le Groupe d’experts sur les oiseaux et leur chasse (Geoc)….
Suite de l’article de Yves Vérilhac, directeur général de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) dans Libération du 17 septembre