La justice donne raison aux associations FERUS, One Voice et Pôle Grands Prédateurs dans le Doubs.
Ce mardi 18 juin 2024, le tribunal administratif de Besançon a rendu ses décisions concernant nos demandes d’annulation de deux arrêtés préfectoraux, datant du 10 octobre 2022, concernant des tirs de défense simple contre le loup accordés par le préfet du Doubs. Les associations FERUS, One Voice et Pôle Grands Prédateurs avaient demandé l’annulation de ces arrêtés par deux recours posés le 14 décembre 2022 et ont obtenu gain de cause. La décision du tribunal annoncée ce jour signe une victoire pour les loups tant au niveau local que national.
Le premier arrêté concernait l’autorisation de tirs de défense simple délivrée par le préfet au Groupement Agricole d’Exploitation en Commun (GAEC) de la Combes des Cives à Châtelblanc (25) pour la protection d’un troupeau de bovins et reposait essentiellement sur l’aspect « non-protégeable » du troupeau. L’arrêté ministériel du 23 octobre 2020 exige que soit menée une étude au cas par cas portant sur la difficulté, pour l’éleveur à l’origine de la demande, de mettre en place des mesures de protection du fait de leur coût et/ou de leur caractère inadapté au troupeau. Dans ce dossier, cette étude n’a pas été réalisée par le préfet du Doubs qui a effectué une appréciation globale à l’échelle du département.
Ce manquement s’apparente donc à un vice de procédure et rend la décision du préfet illégale. Le jugement du tribunal oblige dorénavant les préfets à démontrer le caractère « non-protégeable » des troupeaux de bovins, ce qui aura des conséquences non-négligeables sur les futures demandes d’autorisations de tir de défense.
Le deuxième arrêté annulé concernait un troupeau d’ovins du GAEC de la Vie Pont à Chapelle d’Huin (25) n’ayant pas subi de prédations attribuées au loup depuis 2011. Le préfet avait délivré une autorisation de tirs de défense simple fondée sur la nécessité de prévenir des « dommages importants » au troupeau, se référant uniquement à des attaques très anciennes. Le tribunal a jugé que de telles circonstances ne permettaient pas de justifier d’un risque de « dommages importants ». Par ailleurs, le préfet n’a pas été en mesure de prouver que des moyens de protection du troupeau avaient été préalablement mis en place par l’éleveur, condition exigée par l’arrêté ministériel d’octobre 2020.
Ce jugement est également important puisqu’il impose au préfet de s’assurer de la mise en place effective des mesures de protection avant la délivrance d’une autorisation de tirs de défense, ce qui n’est jamais fait dans la plupart des cas : le préfet s’appuyant généralement uniquement sur les déclarations administratives des éleveurs.
Nous nous réjouissons de ces décisions du tribunal administratif de Besançon qui auront des conséquences nationales sur les dérogations aux interdictions de destruction de loups attribuées par les préfets, et ce à trois niveaux :
-
La vérification concrète de la mise en place effective des mesures de protection des troupeaux avant toute délivrance d’autorisation de tir de défense simple.
-
Justifier de l’existence d’un risque de « dommages importants » au troupeau concerné par la demande d’autorisation de tirs de défense.
-
Attester le caractère « non-protégeable » des troupeaux de bovins aux moyens d’analyses technico-économiques effectuées au cas par cas et soumises au préfet coordonnateur du PNA Loup et activités d’élevage avant la délivrance de l’autorisation de tirs de défense.
Ces jugements marquent un point crucial dans le combat pour la sauvegarde des loups gris en France en ce sens qu’ils auront des retombées sur l’ensemble des arrêtés préfectoraux à venir concernant les autorisations de tirs de loups. Nos organisations resteront donc mobilisées juridiquement pour faire appliquer cette jurisprudence sur l’ensemble du territoire français.
Photo : loup, Pologne, ©jbdumond2023