De nombreuses calamités nous menacent. Même si les actions concrètes peinent à suivre, le réchauffement climatique occupe le devant de la scène médiatique. Mais une récente publication scientifique, très documentée, déplore que cette attention occulte une autre menace : la perte de la biodiversité, ou plus généralement la dégradation du vivant sur la planète. Les deux menaces nous préoccupent à juste titre. Y répondre implique d’identifier leurs causes. Pour analyser les facteurs de la perte de biodiversité, les chercheurs ont examiné des données concernant les extinctions des amphibiens, oiseaux et mammifères, sur plus d’un siècle. Deux facteurs principaux émergent clairement : destruction des habitats et surexploitation. Les habitats naturels sont perdus ou fragmentés par le béton, les différentes formes d’expansion agricole, la déforestation ; les terres, les eaux et l’air sont empoisonnés par les pesticides, les divers pollutions et déchets ; les ressources biologiques sont surexploitées (pêche et chasse). L’analyse montre que l’impact du changement climatique vient loin derrière. Sans le minimiser, les auteurs explicitent ses conséquences sur la biodiversité : aggravation des risques d’incendie, réponses agricoles à une enveloppe climatique changeante, espèces envahissantes et maladies… Mais ils sont, insistent-ils, moins « imminents » que la perte d’habitat et la surexploitation. Pour reprendre leurs termes, seules les espèces les plus « chanceuses », c’est-à-dire ayant échappé à ces dernières, seront confrontées aux assauts du changement climatique. Il est donc à leurs yeux plus urgent (et peut-être plus facile aussi) d’agir pour préserver le vivant dans son ensemble, plutôt que se focaliser sur le changement climatique. Cette recommandation pourrait sembler négliger la menace climatique, bien réelle. Au contraire, expliquent les chercheurs, cette conservation des écosystèmes « constitue la seule stratégie mondiale disponible, économiquement viable, pour l’inverser ».
Réduire les émissions de GES est essentiel, mais cela ne fait que ralentir leur accumulation, tandis que savanes et forêts inversent le réchauffement en éliminant le CO2 atmosphérique. Sans oublier un substantiel bénéfice additionnel, aujourd’hui bien documenté : la diminution des risques d’émergences de nouveaux pathogènes !
Marc Lachièze-Rey/Les Echos, Lundi 21 mars 2002