Ce jeudi 29 juillet 2021 marque le « Jour du Dépassement ». A plus de cinq mois de la fin de l’année, les ressources biologiques que la Terre peut régénérer en un an ont toutes été consommées.
Forêts, savanes, pâturages, déserts, lacs, mers, champs, jardins, mais aussi pêcherie et biodiversité… Des mots même de l’ONU, les ressources biologiques de la planète « nous nourrissent, nous vêtent et nous fournissent logement, médicaments et nourriture spirituelle ». Mais l’humanité a les yeux plus gros que le ventre. Ce jeudi marque le « Jour du Dépassement » : à plus de cinq mois de la fin de l’année, la totalité de ces ressources que la Terre est capable de régénérer en un an a été consommée. Une dette biologique en quelque sorte.
Et chaque année, le constat empire, d’après les calculs effectués par le Global Footprint Network, un organisme de recherche basé aux Etats-Unis, sur la base de trois millions de données statistiques de deux cents pays. En 1970, la date symbolique intervenait le 29 décembre, en 1990 c’était début octobre, en 2010 elle avait déjà dérapé début août.
Pic de déforestation
« Preuve que les activités humaines sont bien en cause »
, souligne-t-on à l’Ademe, en 2020, le jour du dépassement a eu lieu le 22 août, « un recul exceptionnel de trois semaines par rapport à 2019 ». Pour l’agence française de la transition écologique, « ce recul, lié à la pandémie de Covid-19, est dû à une baisse de la consommation en général et d’énergie en particulier ainsi qu’à une moindre déforestation ».
Avant la pandémie, il n’y a guère eu que les crises mondiales pour donner un peu de répit aux ressources biologiques. En 2021, ce « capital naturel qui pourrait nous faire vivre convenablement les années suivantes », insiste le WWF, a donc été à nouveau sérieusement rongé.
Deux principaux facteurs ont participé à avancer le fameux jour : « L’augmentation de 6,6 % de notre empreinte carbone par rapport à 2020 et la diminution de 0,5 % de la biocapacité forestière mondiale », c’est-à-dire la capacité des forêts à produire des ressources comme le bois, le papier, et à stocker le carbone, explique le Global Footprint Network pour qui cette baisse est due « en grande partie » au pic de déforestation enregistré en Amazonie.
Inverser la courbe
Rien qu’au Brésil, 1,1 million d’hectares de forêts ont été détruits en 2020, un record depuis 2008. Les conséquences de cette destruction sont inquiétantes. « Même des régions d’Amazonie se mettent à émettre plus de CO2 qu’elles n’en captent », avertit le directeur des programmes au WWF France, Arnaud Gauffier. L’ONG appelle la France à soutenir l’adoption d’une législation européenne « ambitieuse » pour interdire la mise sur le marché européen de produits liés à la déforestation, pointe-t-il.
Les organisations environnementales le martèlent depuis des mois : pour tenter d’inverser la courbe et éviter qu’en 2050 l’humanité prélève deux fois plus de ressources naturelles qu’en 2020, les prochains grands rendez-vous sur le climat et la biodiversité sont cruciaux.
« Il est impératif de ne pas rater l’opportunité du congrès mondial de la Nature à Marseille [début septembre, NDLR], la COP26 à Glasgow [en novembre, NDLR] et la COP15 [conférence de l’ONU sur la biodiversité en 2022, NDLR] », lance la directrice générale du WWF France, Véronique Andrieux.
A quelques jours de la publication du rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) le 9 août prochain, des scientifiques de premier plan viennent de signer un article alarmant dans la revue BioScience. Les « signes vitaux » de la planète (émissions de gaz à effet de serre, épaisseur des glaciers, acidité des mers, déforestation, etc.) s’affaiblissent, préviennent ces chercheurs qui évoquent « des preuves croissantes que nous approchons ou avons déjà franchi des points de bascule » dans des endroits critiques sur Terre, comme les calottes glaciaires de l’Antarctique occidental et du Groenland, les récifs coralliens et la forêt amazonienne.
Selon eux, les politiques de lutte contre la crise climatique ou tout autre symptôme devraient s’attaquer à la cause profonde : la surexploitation de la Terre.
Muryel Jacque/Les Echos